La Caisse interprofessionnelle de prévoyance et d’assurance vieillesse (CIPAV), principale caisse de retraite des professions libérales, mène actuellement une vaste campagne de communication pour rappeler à certains de ses affiliés l’importance de liquider leurs droits à la retraite. Après des années de déni, cette démarche vise à résoudre un problème persistant : de nombreux professionnels libéraux, notamment les plus âgés et ceux ayant eu des parcours de carrière mixtes ou des affiliations brèves, ont « oublié » de réclamer leur pension.
Le constat d’un oubli généralisé
Depuis des années, des collectifs comme CIPAV INFO dénoncent publiquement le fait que de nombreux adhérents de la CIPAV, souvent les plus âgés et les plus vulnérables face à la fracture numérique, ne parviennent pas à liquider leur retraite dans de bonnes conditions. La CIPAV gère la retraite de plus de 200 000 pensionnés et compte environ 500 000 cotisants actifs (dont de nombreux auto-entrepreneurs et professionnels libéraux déclarant des bénéfices non commerciaux – BNC). À cela s’ajoutent près de 600 000 anciens affiliés « radiés », c’est-à-dire des personnes ayant cotisé par le passé mais n’exerçant plus une activité relevant de la CIPAV. C’est parmi cette dernière catégorie que se trouvent la plupart des pensions non réclamées.
Le phénomène touche particulièrement les professionnels qui n’ont exercé en libéral que quelques années, par exemple un, deux ou trois ans, avant de repasser salariés ou fonctionnaires. Ces derniers n’ont pas toujours pensé à demander leur retraite auprès de tous les régimes où leurs durées d’affiliation étaient très courtes. Selon François Clouet, directeur général de la CIPAV, si quelqu’un a cotisé 43 ans à la CIPAV, il déposera son dossier, mais ce n’est pas toujours le cas pour ceux ayant eu de courtes périodes d’activité libérale. Environ 1 500 assurés nés entre 1949 et 1954 n’ont, par exemple, jamais réclamé leur retraite, sur un total de 40 000 demandes annuelles.
Pourquoi tant d’oublis ? La clé de la réforme de 2018
La raison principale de ces oublis réside dans l’évolution des démarches de liquidation de retraite. Avant 2018, chaque régime de retraite devait être contacté individuellement pour demander la liquidation des droits. Pour les carrières mixtes, cela impliquait de faire autant de demandes qu’il y avait de régimes de cotisation.
Depuis 2018, une réforme a introduit la demande unique de retraite en ligne, simplifiant la démarche pour liquider l’ensemble de ses droits en une seule fois. Cependant, les personnes ayant pris leur retraite avant cette réforme n’ont pas bénéficié automatiquement de cette simplification. Beaucoup n’ont pas fait la demande pour leur pension CIPAV, surtout si elle concernait seulement quelques années ou trimestres, jugés parfois « négligeables ».
De même, de nombreuses professions libérales étaient affiliées à la CIPAV avant 2018 (plus de 400 professions comme les coachs, graphistes, développeurs web, traducteurs), alors qu’aujourd’hui, la CIPAV est recentrée sur une vingtaine de professions spécifiques. Si une personne a exercé une profession libérale affiliée à la CIPAV avant 2018, elle a bien cotisé pour cette période, même si son métier ne figure plus sur la liste actuelle.
La campagne de la CIPAV et les montants en jeu
Bien décidée à réduire les stocks de retraites non réclamées, la CIPAV a lancé une campagne massive de communication en mai 2025. Plus de 1 000 mails et 1 200 courriers ont été envoyés aux assurés de la génération 1949, et des actions similaires sont menées pour les générations 1950 et 1954. L’opération sera élargie aux assurés nés entre 1946 et 1957 dans les mois à venir.
Dans ces communications, la CIPAV invite les assurés à effectuer la demande de retraite en ligne, ou à appeler pour un accompagnement personnalisé. François Clouet se félicite des délais de traitement rapides, d’une trentaine de jours, permettant des premiers versements dès la fin juin pour certains.
Bien que ces sommes ne constituent pas la majeure partie de la pension des retraités concernés, elles ne sont pas négligeables. Selon les données d’une campagne précédente du GIP Union Retraite fin 2024, les assurés de la CIPAV nés en 1947 ou 1948 ayant débloqué leur dossier touchent une pension annuelle moyenne de 190 euros. Ils peuvent également bénéficier d’un versement forfaitaire unique compris entre 2 100 et 2 400 euros, voire jusqu’à 10 000 euros pour certains profils.
Comment vérifier vos droits CIPAV ?
Pour savoir si vous êtes concerné, la démarche la plus simple est de consulter votre relevé de carrière via le portail Info-Retraite.fr. Ce service permet d’identifier tous les régimes auxquels vous avez cotisé au cours de votre vie active. Si la CIPAV y figure, même pour une activité exercée il y a plusieurs décennies, vous pourriez avoir des droits à faire valoir.
Si vous avez été auto-entrepreneur avant 2018, il est très probable que vous ayez cotisé à la CIPAV durant cette période. Ces années d’activité peuvent compter dans le calcul de votre pension ou ouvrir droit à un versement immédiat. Pensez-y !