Face à l’intensification et à la récurrence des épisodes de chaleur liés au dérèglement climatique, la protection des travailleurs est devenue un enjeu majeur en termes de conditions de travail, de santé et de sécurité. Les fortes chaleurs peuvent entraîner une dégradation significative des conditions de travail et augmenter les risques d’accidents du travail, y compris graves ou mortels.
Ces conditions peuvent causer des problèmes de santé allant de la migraine, des crampes, de la fièvre et de la déshydratation, jusqu’au coup de chaleur pouvant provoquer un malaise, voire dans certains cas le décès.
Pour y faire face, un nouveau cadre réglementaire entre en vigueur.
Un Cadre Réglementaire Renforcé
Le Décret n° 2025-482 du 27 mai 2025, publié au Journal Officiel le 1er juin 2025, renforce les obligations des employeurs en matière de prévention du risque chaleur. Ces nouvelles dispositions s’appliqueront dès le 1er juillet 2025. Ce décret est le fruit d’un travail interministériel impliquant les ministères du Travail, de la Transition écologique et de l’Agriculture, et a fait l’objet de consultations avec les partenaires sociaux. Il s’inscrit dans le Plan de Santé au Travail (PST), le Plan de Prévention des Accidents du Travail Graves et Mortels (PATGM) et le Plan National d’Adaptation au Changement Climatique (PNACC).
Qu’est-ce qu’un « épisode de chaleur intense » ?
Le décret introduit la notion d’« épisode de chaleur intense ». Cette notion est définie par référence au dispositif national de vigilance météorologique « canicule » de Météo-France. Un épisode de chaleur intense est caractérisé par l’atteinte des seuils de vigilance suivants :
- Jaune (pic de chaleur) : correspond à une exposition à une chaleur intense sur 1 à 2 jours, présentant un risque pour la santé humaine en raison des conditions de travail ou de l’activité physique.
- Orange (canicule) : caractérise une chaleur intense et durable susceptible de constituer un risque sanitaire pour l’ensemble de la population exposée.
- Rouge (canicule extrême) : indique une canicule exceptionnelle par sa durée, son intensité et son ampleur géographique, avec un fort impact sanitaire.
Nouvelles obligations pour les employeurs lors de canicules
Les employeurs doivent désormais intégrer pleinement les épisodes de chaleur dans leurs démarches d’évaluation et de prévention des risques. Ces obligations s’appliquent à tous les secteurs d’activité, y compris agricoles. Elles concernent également les travailleurs indépendants.
Évaluation des risques
L’employeur a l’obligation d’évaluer les risques liés à l’exposition des travailleurs aux épisodes de chaleur intense, que le travail soit réalisé en intérieur ou en extérieur. Si un risque est identifié, l’employeur doit définir et consigner des mesures de prévention spécifiques. Ces actions sont à matérialiser dans le Document Unique d’Évaluation des Risques Professionnels (DUERP).
Le DUERP est obligatoire dès l’embauche du premier salarié et doit recenser et évaluer les risques pour la santé et la sécurité, en étant mis à jour au moins une fois par an. L’évaluation des risques doit inclure une analyse des ambiances thermiques.
Dans les entreprises de moins de 11 salariés, la mise à jour peut être moins fréquente, sous réserve que soit garanti un niveau équivalent de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs, après avis des organisations professionnelles concernées.
travail-emploi.gouv.fr
Mesures de prévention
En cas de risque identifié, l’employeur doit mettre en œuvre une série de mesures, en les adaptant en cas d’intensification de la chaleur. Ces mesures non exhaustives incluent :
- Adapter l’organisation du travail : Cela inclut la modification des horaires de travail pour limiter la durée et l’intensité de l’exposition, la suspension des tâches pénibles pendant les heures les plus chaudes, et la prévision de périodes de repos suffisantes.
- Aménager les postes de travail : Des dispositifs filtrants ou occultants, de la ventilation ou de la brumisation doivent être utilisés pour réduire le rayonnement solaire et l’accumulation de chaleur. Les postes de travail extérieurs doivent être aménagés pour protéger les travailleurs des effets des conditions atmosphériques.
- Mettre à disposition de l’eau potable et fraîche : La quantité d’eau doit être suffisante et augmentée autant que nécessaire. Un moyen doit être prévu pour maintenir l’eau au frais à proximité des postes de travail, notamment en extérieur. En l’absence d’eau courante, un minimum de trois litres d’eau par jour et par travailleur doit être garanti. L’eau doit permettre de se désaltérer et de se rafraîchir.
- Fournir des équipements adaptés : Il s’agit de vêtements respirants ou rafraîchissants, couvre-chefs, lunettes, et autres équipements de protection individuelle (EPI) permettant de limiter ou compenser les effets des fortes températures ou de se protéger des rayonnements solaires.
- Informer et former les travailleurs : Les salariés doivent être informés et formés sur les signes de coup de chaleur et les gestes à adopter, ainsi que sur l’utilisation correcte des équipements de travail et des EPI.
- Mettre en place des protocoles de secours : Des modalités de signalement de tout indice physiologique préoccupant, de malaise ou de détresse doivent être définies, ainsi que des procédures pour porter secours rapidement, en particulier aux travailleurs isolés ou éloignés.
- Intégrer le risque dans les plans de prévention : Les plans de prévention doivent inclure le risque lié à la chaleur.
Protection des salariés vulnérables
Une attention particulière doit être portée aux travailleurs particulièrement vulnérables (femmes enceintes, personnes avec des conditions de santé spécifiques) en adaptant les mesures de prévention en lien avec le service de prévention et de santé au travail. Il est interdit d’affecter des jeunes travailleurs (moins de 18 ans) à des travaux les exposant à des températures extrêmes susceptibles de nuire à leur santé.
Nouvelle obligation pour les locaux fermés (toute l’année)
Indépendamment des épisodes de chaleur intense, les employeurs auront l’obligation de maintenir une température adaptée dans les locaux fermés affectés au travail, compte tenu de l’activité et de l’environnement des travailleurs. Les dispositifs de régulation thermique utilisés ne doivent émettre aucune émanation dangereuse.
Conséquences en cas de manquement
L’Inspection du Travail dispose de nouveaux pouvoirs. Si un employeur n’a pas défini les mesures de prévention contre les risques liés à la chaleur intense, l’Inspection du Travail peut le mettre en demeure de s’y conformer dans un délai de 8 jours. En cas de non-respect de l’obligation de sécurité, un salarié peut saisir l’Inspection du Travail ou, selon la taille de l’entreprise, le Comité Social et Économique (CSE) ou le délégué du personnel.
Les employeurs qui ne respectent pas leurs obligations concernant le DUERP s’exposent également à des amendes pouvant aller jusqu’à 7 500 € pour les personnes morales et 1 500 € pour les personnes physiques, avec un doublement en cas de récidive. Le fait de ne pas mettre le DUERP à disposition du CSE est considéré comme un délit d’entrave.
Pour toute information complémentaire et des ressources utiles, les entreprises peuvent consulter les sites du Ministère du Travail, des DREETS, de l’INRS, et les guides de prévention disponibles. Le numéro « Canicule info service » (0 800 06 66 66) est également activé en amont ou en période de vigilance canicule pour répondre aux interrogations individuelles.