Depuis le 15 juin 2025, la non-déclaration ou la non-mise à jour des informations relatives aux bénéficiaires effectifs n’est plus une simple infraction passible d’une injonction ou de sanctions pénales. Elle peut désormais entraîner une conséquence bien plus radicale : la radiation d’office du Registre du Commerce et des Sociétés (RCS).
Cette réforme majeure, issue de la loi du 13 juin 2025 visant à sortir la France du piège du narcotrafic, a pour objectif de renforcer la transparence économique et de fiabiliser le registre des bénéficiaires effectifs afin de lutter plus efficacement contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme.
Qui est concerné et qu’est-ce qu’un bénéficiaire effectif ?
L’obligation de déclaration concerne principalement les sociétés dont les titres ne sont pas admis aux négociations sur un marché réglementé, les Groupements d’Intérêt Économique (GIE), ainsi que, depuis la loi du 22 avril 2024, les associations, fondations et fonds de dotation et de pérennité.
Un bénéficiaire effectif est défini comme la personne physique qui, directement ou indirectement :
- Détient plus de 25 % du capital ou des droits de vote de la société.
- Exerce, par tout autre moyen, un pouvoir de contrôle sur la société.
Ces informations, incluant l’identification, le domicile et les modalités de contrôle, doivent être déclarées au RCS dès l’immatriculation de la société et mises à jour dans les 30 jours en cas de modification, notamment en cas de changement dans l’actionnariat.
Un dispositif de sanctions considérablement renforcé
Jusqu’à présent, les entreprises qui ne respectaient pas cette obligation s’exposaient principalement à une injonction du président du tribunal, potentiellement assortie d’une astreinte, et à des sanctions pénales (amende de 37 000 €, dissolution de la société), qui étaient, en pratique, peu mises en œuvre.
Désormais, le greffier du tribunal de commerce dispose de pouvoirs élargis pour initier la radiation d’office du RCS dans plusieurs situations, et ce, depuis le 15 juin 2025 :
Absence de déclaration ou non-conformité constatée par le greffier
Si une société n’a pas déclaré ou mis en conformité les informations relatives à ses bénéficiaires effectifs, le greffier peut lui adresser une mise en demeure par lettre recommandée avec accusé de réception. Si cette mise en demeure reste sans effet après 3 mois, la radiation d’office peut être prononcée.
Divergence signalée par un professionnel ou une autorité de contrôle
Lorsqu’une personne assujettie à la lutte contre le blanchiment (comme un expert-comptable ou un avocat) ou une autorité de contrôle signale au greffier une divergence entre les informations déclarées et celles dont elle dispose, le greffier doit mettre en demeure la société de régulariser son dossier via le guichet unique des formalités d’entreprises. Si cette mise en demeure n’est pas suivie d’effet dans les 3 mois à compter de sa réception, la radiation d’office est enclenchée.
Non-respect d’une injonction du président du tribunal
Si une société ne se conforme pas à une injonction délivrée par le président du tribunal de déclarer ou de rectifier les informations sur ses bénéficiaires effectifs dans un délai de 3 mois à compter de la notification de la décision, elle s’expose également à la radiation du RCS.
Dans tous les cas de radiation d’office, l’Institut National de la Propriété Industrielle (INPI) et le ministère public sont systématiquement informés par le greffier.
Quelles sont les conséquences d’une radiation et la possibilité de régularisation ?
La radiation d’office du RCS est une mesure administrative qui, en soi, n’éteint pas la personnalité morale de la société. Cependant, elle a des conséquences pratiques majeures, rendant difficile voire impossible la poursuite normale de l’activité économique (accès aux marchés publics, relations avec les banques, etc.).
Pour les radiations initiées par le greffier suite à une non-déclaration ou non-conformité après mise en demeure, la société pourra demander au greffier de « rapporter sa radiation » pour être réactivée une fois sa situation régularisée, selon des conditions qui seront fixées par décret.
L’impératif de vigilance pour les entreprises et leurs conseils
Cette réforme instaure une obligation forte et un suivi strict. Les entreprises, en particulier les PME et TPE, doivent faire preuve d’une vigilance accrue. Les changements dans l’actionnariat ou la structure de contrôle d’une société commandante nécessitent une mise à jour rapide des informations. Des outils de veille (comme ceux proposés par Infogreffe) peuvent aider à anticiper ces obligations.